A Gérard
Gérard,
j’ai regardé ce matin le dernier cadeau que tu m’as fait : C’est une
miniature de voiture Ford modèle T des année 1920 avec Tintin et le capitaine
Haddock et l’inénarrable Milou et tu as écrit sur la boîte de ton écriture
soignée « Tintin au Congo et Madie au Mali » … Tout le monde sait
que je vais tous les ans au Mali…alors je vais commencer par te dire à la mode
africaine, comme mes amis le disent là-bas à tous leurs voisins le jour de la
fête de fin de ramadan : « Gérard si pendant notre vie, j’ai pu
inconsciemment t’offenser ou te peiner par certaines de mes paroles, certains
de mes actes ou même de mes regards, je te demande pardon ».
Régis nous disait que Gérard était resté franciscain dans l’âme. C’est vrai Gérard, tu étais un pauvre et tu voulais rester un pauvre. Tu pouvais paraître sans ambition, et peu intéressé par tout ce qui donne le pouvoir : notabilité, argent, parole, apparence tapageuse, gloire… et certains t’ont méprisé et t’ont jugé « nul » à cause de ça, en te sous estimant pour ton attachement à cette valeur fondamentale qui était la tienne.
Mais
par contre Gérard tu te dévouais à toutes les causes que toi et tes
amis défendaient. Et auxquelles vous croyiez ensemble en espérant faire avancer
les choses et participer à l’évolution du monde. Avec Dominique vous étiez des
pionniers de l’audio visuel à une période où celui-ci ne connaissait pas
l’ampleur et la vogue qu’il a aujourd’hui mais vous aviez déjà deviné son
importance et son influence grandissantes.
Gérard
tu as toujours été le défenseur des exclus, des sans paroles, des humbles. Tu
as toujours cherché à les valoriser et à leur permettre de s’exprimer en
mettant tes compétences à leur service.
Je
ne citerais pas tout, mais je tiens à souligner quelques engagements de Gérard :
il a été un des piliers de la Commission culturelle de l’OSCR dans les années
70 à 80 . Il fût l’un de ceux qui défendit le droit de subvention pour les
associations tiers mondistes alors toutes nouvelles et mal reconnues.
Tu
es venu avec moi et d’autres au Québec en 1973 pour étudier les radios et les
télévisions communautaires. C’est là que tu as fait la connaissance de celle
qui deviendra ta femme et notre amie : Pascale.
Avec
quelques autres, Gérard tu as
participé à la création du journal « La Vilaine » qui se
voulait dénonciateur des abus de pouvoir et valorisateur de ceux qui restent
dans l’ombre de la société, des sans-voix…
Puis à une époque où les radios n’étaient pas libres et
quand nous étions mécontents de la suprématie de la radio publique, nous avons
créé en 1980, une radio libre « Radio Festival » à l’occasion du
Festival de la Chanson et toi, quand notre ùatériel a été saisi par la
police,Gérard tu es venu avec moi parler sur Radio France Armorique. Il fallait
un certain courage ou simplement beaucoup de toupet …
Puis tu as fait partie de Radio Vilaine (autorisée celle-là) où pour la 1ère
fois sur Rennes les minorités ethniques et religieuses ont eu leur place :
le slogan que tu avais participé à trouver n’était-il pas « La route
est libre sur Radio-Vilaine »
Tu
ne savais jamais dire « non » et tu aimais mettre tes compétences au
service des causes défendues par toi et tes amis ; en as-tu fait des
dessins, des livrets, des expositions, des montages : là encore je ne
pourrais pas citer tous les sujets sur lesquels tu as travaillé ni toutes les
associations : la prison, la maladie mentale, le handicap, le
colonialisme, le CRIDEV et la cause des pays sous-développés, le racisme, la consommation. N’as-tu pas été jusqu’à
réaliser des dessins pour faire comprendre aux personnes sourdes le
fonctionnement démocratique d’une association…
Un trait majeur de ton travail a certainement été
celui-là qui laissera des traces vivantes chez beaucoup de tes élèves et de
tous ceux qui t’ont côtoyé : dans notre société d’images et de
communication, de sur consommation, de sur- médiatisation, tu as formé des
milliers de jeunes au décryptage de la lecture de l’image qui nous imbibe et
que nous sur-consommons. Tu leur a appris à réfléchir et à ne pas être objets
de cette consommation mais sujets. Tu étais là aussi un vrai communicateur sans
fla-fla, sans démonstration publique, mais efficace. Tu resteras parmi nous ; et tous ceux que tu as formés sont «
tes enfants » Gérard.
Maintenant Gérard , va retrouver ton vieux copain Michel Haniche qui t’attend
depuis longtemps déjà. Allez trinquez et discutez de ce qui se passe dans notre
monde en attendant qu’on aille aussi vous retrouver.
Gérard : au revoir. Le monde te dit MERCI d’avoir été ce que tu as été.
MADIE